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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 02:21
LIBOR ET GLASS-STEAGALL

par Bruno LARDOUX, ingénieur, Paris le 14 juillet 2012

(IMPORTANT :  cet article est dans son premier jet ; l'esprit ne va pas changer, ni même les conclusion, mais il va être complété dans les deux ou trois prochains jours, de façon à le rendre plus lisible par tout à chacun. Les questions qui y sont abordées ne sont pas en effet d'une immédiate accessibilité. En outre, le flux d'information autour de ces questions s'accélère et je ne pourrai pas conclure cet article sans traiter du cas de Dexia, entre autres. Aussi, vous qui me lisez, je vous prie de bien vouloir me faire part de vos éventuelles remarques de gaçon à ce que je puisse les prendre en compte. Si vous n''y voyez pas d'inconvénient, je vous citerai.).

 

 link

L'impensable : la City heurtée de plein fouet

Il y eut la semaine dernière un fait inédit dans l'histoire de la City. Une de ses références, la Barclays, a admis avoir manipulé le cours du LIBOR depuis 2005. Ce fut un maëlstrom dont profite un certain nombre d'autres institutions respectables de la City pour faire admettre la nécessité de revenir aux bonnes pratiques qu'avait su mettre en place le Président Franklin Delano Roosevelt en 1933 avec ses mesures dites Glass-Steagall Act, elles-mêmes inspirées par les investigations et les conclusions de la Commission Pecora. Cet aveu de la part de Barclays a eu l'effet d'une bombe thermonucléaire sur la City et, dans ce contexte, il n'est pas un hasard si ce lundi 9 juillet la France a su faire passer des obligations court-terme (au plus tard le 27 décembre) avec des taux négatifs : certaines références de la City ont ainsi dorénavant plus confiance en la signature de la France qu'en la signature de certains de leurs collègues. Le fait que François Hollande se soit rendu mardi 10 juillet à Londres, au point d'être reçu par la Reine, et donc la présidente du Privy Council ne saurait relever du hasard. Pour rappel, François Hollande, avec Jacques Cheminade ont été les deux seuls candidats à l'élection présidentielle à vouloir imposer la séparation des banques de dépôts et les banques d'affaires sans ambiguïté, la différence résidant dans les moyens accordés à la finalité. Mais qu'est-ce que le LIBOR dont personne ou presque n'a jamais entendu parler ?

La crise du LIBOR

LIBOR signifie "London InterBank Offered Rate" ou, en français "taux interbancaire proposé sur la place de Londres". Il s'agit donc du taux auquel les banques se prêtent entre elles, sur le marché londonien, c'est à dire les banques référencées sur la City.

Le LIBOR est fixé tous les matins sur la base des informations divulguées par les acteurs du marché de la City. Il représente ainsi la moyenne des taux annoncés par ces acteurs. Par exemple, le LIBOR en livre-sterling est le résultat des estimations livrées par 16 banques, celui en Euros est constitué de 15 estimations.Grosso modo, concernant les devises les plus importantes (dollar américain, livre sterling, euro, franc suisse et yen), les banques systématiquement représentées sont:

  1. Barclays

  2. HSBC (Hong-Kong Shanghai Banking Corporation)

  3. RBS (Royal Bank of Scotland)

  4. JP Morgan

  5. UBS (Union des Banques Suisses)

  6. Deutsche Bank

  7. Société Générale

Ce qui est amusant c'est de constater que tous ces établissements extrêmement respectables sont systématiquement cités dans tous, je dis bien tous, les scandales financiers qui ont émergé depuis au moins dix ans.

Dans la zone euro, son équivalent s'appelle l'Euribor. Ils sont fixés une fois par jour, par l'association des banquiers britanniques ( British Bankers Association - BBA) pour le LIBOR et la Fédération Bancaire Européenne (FBE) pour l'Euribor, selon ce que proposent les banques.

A quoi sert donc ce LIBOR ? sur la base d'une moyenne acceptable, c'est à dire qu'on écarte en principe les disparités extrêmes, ce qui je suppose que l'on écarte les valeurs placées en-dehors d'un écart-type dont je ne connais pas l'algorithme de calcul, il sert à fixer les taux de prêts que s'accordent entre elles les banques. Le LIBOR est ainsi extrêmement vital pour tout ce qui concerne les produits dérivés à court terme, dont le volume se monte à des centaines de milliers de milliards de dollars sur la seule place londonienne. Une juste estimation des montants s'échangeant quotidiennement sur ces marché financiers à court terme sur le seul marché de Londres, dans un mouvement incessant de va et vient (les titres peuvent être échangés plusieurs fois en une seule seconde) s'élève à environ à 350 mille milliards de US$. ¨Peu importe d'ailleurs en quel monnaie doit être exprimé ce volume exact, on pourrait aussi bien écrire dollars, qu'euros ou livres-sterling car nul n'en connaît le montant exact, la plupart des fonds régissant ces produits étant hébergés par les paradis fiscaux qu'offrent Sa Très Gracieuse Majesté., entre les îles Caïman, Bahamas, Man, Jersey, etc.. Le seul chiffre à avoir en tête pour se rendre compte de cela est de savoir que le montant des échanges monétaires correspondant à l'économie réelle (échange de biens, de services, de licences) s'élève à moins de 0,1% des échanges monétaires suscités par la gestion de ces produits dérivés.

En fait cette opacité est-elle entretenue par la confiance aveugle qu'ont entre eux des gens de bonne compagnie. So British ! Alors que s'est-il passé ? Dans les faits cette confiance aveugle a été ébranlée par l'aveu fait par la Barclays à la SEC (Securities and Exchange Commission) selon lequel elle reconnaît qu'entre 2005 et 2009, elle a sciemment influencé le LIBOR, que ce soit à la hausse ou à la baisse au mieux de ses intérêts, c'est à dire pour éviter la faillite totale.

En d'autres termes, ceux du site internet de TF1 en l'occurence :

La banque britannique a, "à de nombreuses occasions et parfois quotidiennement pendant une période de quatre ans, à partir de 2005 (...) tenté de manipuler et fait des déclarations erronées" concernant le Libor et l'Euribor, a estimé le régulateur financier américain dans un rapport publié début juillet. Selon les autorités des deux côtés de l'Atlantique, Barclays a communiqué à maintes reprises des taux inférieurs ou supérieurs aux taux réels en fonction des intérêts du moment. Cette action a nécessité la complicité des courtiers de dérivés et du département trésorerie de la banque, qui transmet les taux à la BBA et la FBE. Des échanges de courriers électroniques entre courtiers et agents de trésorerie, retranscrits dans les rapports, confirment ces contacts. Au total, sur la période, les traders ont envoyé aux agents au moins 257 demandes de modification du taux de Barclays
Fin juin, elle a révélé qu'elle allait payer l'équivalent de 290 millions de livres, soit environs 360 millions d'euros, pour mettre fin aux enquêtes des régulateurs britanniques et américains dans cette affaire. Et l'image de la City en ressort encore plus écornée.

 

Soit. Mais, c'est là où cela devient intéressant, quand on se rend compte que le LIBOR ne prend pas en compte les variations extrêmes dans son calcul, ce qui implique que la Barclays n'a pas pu agir seule. Et donc s'installe le doute sur plusieurs autres banques internationales. Ainsi le BaFin allemand a t-il d'ores et déjà lancé des investigations sur la Deutsche Bank. La SEC a lancé une enquête sur Citigroup et JP Morgan Chase, et il semblerait que les autorités britanniques aient lancé des enquêtes sur RBS et HSBC et qu'en France l'AMF (Autorité des Marchés Financiers) ait déjà mis la Société Générale et BNP Paribas sous surveillance.

Ce n'est pas une gageure, et je veux vous donner deux ou trois exemples :

La ville de Baltimore, Maryland, a lancé des poursuites judiciaires contre pas moins de douze banques accusées d'avoir été complices dans la manipulation du LIBOR : la municipalité avait en effet contracté pour plusieurs centaines de millions de dollars en Interest Rate Swap ( IRS ou swaps de taux d'intérêt - voir à ce sujet http://fr.wikipedia.org/wiki/Swap_de_taux_d'int%C3%A9r%C3%AAt ) basés sur le LIBOR de façon à se protéger contre des hausses exagérées des taux d'intérêt des emprunts qu'elle avait dû contracter auprès des banques pour couvrir ses besoins en trésorerie liés à ses dépenses courantes comme l'entretien de la voirie, le financement des écoles, etc. Elle avait vu là une assurance contre des aléas qui, du fait de la triche, ont été réduits à néant. Ces IRS, du fait de la triche se sont avérés inutiles, ont été annihilés dans leurs fins.

La Communauté Urbaine de Lille en France a semble t-il signé également ce genre de contrats, mais à ma connaissance, ses instances dirigeantes ne se sont pas encore retournées contre les responsables de cette tricherie.

Des procureurs du Massachusetts vont rencontrer dans les prochains jours les autorités financières de l'état pour examiner les pertes induites par une fixation frauduleuse du LIBOR. En effet, de nombreuses agences de l'état ont eu entre leurs mains de nombreux contrats IRS dans la période 2007-2008. Ainsi, la Metropolitan Boston Transit Agency avec une douzaine de contrats IRS d'un montant de 1,6 milliard USD sur cinq ans, le Massachusetts Department of Transportation pour 800 millions USD en 2010, le Massachusetts Water Resources Authrity pour 350 millions USD, Partners Healthcare (qui alimente le Massachusetts General Hospital) pour 500 millions USD sur dix ans, etc.

Bob Diamond, le président depuis démissionné de la Barclays n'a trouvé comme excuse que « la manipulation des taux d'intérêts était une pratique commune et partagée ».

Vers le retour de Glass-Steagall

Un des effets les plus surprenants de cette crise du LIBOR a été la réaction des élites de la City en-tête desquelles on trouve les principaux éditorialistes du Financial Times. Tous se prononcent d'un seul coup pour le partage strict et définitif des établissements bancaires de dépôt et de crédit aux particuliers et aux entreprises (retail banks) des banques d'affaires (investment banks ou, aussi, merchant banks).

Parmi ces personnalités, on trouvera par exemple Peter Hambro, l'ancien héritier et propriétaire de la banque du même nom, Lord Myner, l'ancien éditeur du Guardian et de l'Observer et actuel directeur de RIT Capital, une banque d'investissement administrée par Lord Jacob Rotschild.

Toutes ces personnalités vont bien au-delà des conclusions de la Commission Vickers, créée par le gouvernement britannique suite à la faillite de 2008 et dirigée par l'économiste de la Banque d'Angleterre, Lord John Vickers, qui dans son rapport de septembre 2011 avait prôné un simple ringfencing c'est à dire au sein d'un même établissement financier constituant une unique entité légale la pose de barrières entre les activités de banque de détail ( dépôt, épargne et de crédit proposées aux acteurs particuliers ou aux entreprises) et les activités d'affaires ( spéculatives ), de façon à ce que ces dernières ne puissent toucher aux dépôts des premières pour atteindre leurs objectifs.

Tous ces gens se rendent compte enfin de ce que je n'ai cessé de clamer depuis vingt ans : la libéralisation continuelle des marchés financiers, leur dérégulation, ne pouvait mener qu'à un chaos qui menacerait l'existence même de l'espèce humaine. On y est. La lucidité semble prendre enfin le pas sur le délire ultra-libéral. Entre temps, on a laissé se développer une bulle financière construite sur une accumulation de produits dérivés qui est devenue telle une baudruche dont la peau se tendant, laisse apparaître des fissures laissant échapper des pets qui ne peuvent être compensées que par la préemption des moyens d'existence des êtres humains. Mais ces pets finissent par créer les conditions d'une hyperinflation jusqu'ici inconnue dans l'histoire de l'humanité.

Donc la priorité n'est certes pas, par un mimétisme à courte vue de revenir au Glass-Steagall qui fut lâché définitivement en 1999 par le Président William Clinton sous les injonctions de son conseiller économique, Lawrence Summers ( comme de hasard, les charges qui pesaient contre lui dans l'affaire Lewinsky le menaçant d'impeachment se sont soudainement évaporées ).

La priorité réside bien d'abord en le dégonflage de la baudruche : la laisser dans les conditions de surpression risquerait de mener à son explosion, ce qui aurait pour effet immédiat de créer une hyperinflation comparable à celle que connut la République de Weimar en 1923, mais cette fois à l'échelle mondiale. C'est ce que fit Franklin Delano Roosevelt en arrivant au pouvoir. Il nomma une Commission à la tête de laquelle il nomma Ferdinand Pecora qui n'eut de cesse de dénoncer les malversations des banquiers de Wall Street, dont déjà JP Morgan http://www.dailymotion.com/video/xlxpli_1933-commission-pecora-contre-les-banksters_webcam . Ces malversations dénoncées, on procéda alors aux bank holidays, c'est à dire une période durant laquelle les banques furent fermées pour expurger les lignes purement spéculatives de leurs bilans. C'est dans cette affaire que furent rédigés et votés le Glass-Steagall Act (séparation physique des banques de détail et des banques d'investissement) et le Securities Exchange Act (création de l'administration SEC, véritable arbitre). Rétablir le Glass-Steagall, sans procéder au dégonflage de la baudruche ne servira à rien, soyons clair. En tous les cas il ne pourra favoriser une véritable renaissance économique comme sut le faire l'idée du New Deal.

Conclusion

Ce n'est certes pas en reprenant au pied de la lettre les solutions de Franklin Delano Roosevelt, mais bien en s'inspirant d'elles, en prenant en compte une globalisation qui n'existait pas dans les années Trente, ou si peu. Aujourd'hui, les banques sont des conglomérats internationaux qui ne connaissent aucune frontière, sinon celles des paradis fiscaux qui n'existaient pas en ces temps reculés. Pour rappel, les paradis fiscaux ont été créés par la Couronne Britannique pour la plupart au moment même où elle perdait son Empire. Elle préserva le Common Wealth et accrut sa puissance en créant les paradis fiscaux, tant et si bien que de même que Palmerston pouvait le faire, sur l'Empire Britannique, jamais le Soleil ne se couche.

Il nous faut donc bien identifier le problème, celui de l'Empire Britannique dont l'ennemi irréductible est le modèle républicain. Modèle impérial contre modèle républicain. Modèle conservateur contre modèle progressiste.

Dans son projet présidentiel, « Le Changement, c'est maintenant », François Hollande a bien souligné la nécessité de réguler le système financier tout en créant les conditions d'un retour à la croissance dans les articles 7, 8, 11,12, 13. Il en a maintenant la légitimité. Aidons notre Président à imposer cette voie au reste du Monde : si la France ne peut pas grand chose dorénavant sans l'Europe, l'Europe ne peut strictement rien sans la France et son modèle républicain.

Alors, haut les cœurs et soutenons, titillons notre Président.

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commentaires

L
Et notre Président est aujourd'hui dans la merde. C'est pour cela qu'il faut le défendre.
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